Le diplomate et conseiller du roi
La carrière de Jean Du Bellay est d'abord et principalement celle d'un diplomate en un temps où les représentations permanentes se généralisent. Il est l'ambassadeur de François Ier auprès de Henry VIII de septembre 1527 à janvier 1529 puis de mai 1529 à la fin de la même année. Il continue dès lors à s'occuper en France des affaires liées à l'annulation du mariage de Henry VIII, ce qui le conduit à nouveau à Londres à la fin de 1533 et, de là, à Rome du début de février à avril 1534, et encore de juin 1535 à mars 1536.
Dans les dernières années du règne de François Ier, Jean Du Bellay n'est plus chargé d'ambassade permanente mais il dirige celle que le roi veut envoyer à la diète de Spire (fin 1543-début 1544) et qui doit renoncer faute d'obtenir de Charles Quint un sauf-conduit. Il dirige aussi en 1544 la mission qui échoue dans la négociation de paix avec Henry VIII en automne 1544 et il est mêlé à celle qui aboutit au traité d'Ardres.
Comme membre du Conseil de François Ier, Jean Du Bellay devient en 1536 « lieutenant général du roi au gouvernement de Paris et de l'Ile-de-France ». Il met Paris en état de défense contre l'invasion impériale et lève en outre dans la capitale d'importantes sommes d'argent pour l'armée du duc de Vendôme, gouverneur de Picardie.
A partir de 1537, et plus encore après la mort de son frère Guillaume en janvier 1543, Jean Du Bellay est en relation étroite avec des Strasbourgeois et des Allemands hostiles à Charles Quint. Il dispose d'un vaste réseau de correspondants et d'informateurs utiles à François Ier. Quoique très proche d'Anne de Montmorency, il ne subit pas de conséquences lors de sa disgrâce en 1541. Il continue à jouer un rôle dans le Conseil du roi jusqu'à la paix de Crépy mais perd de son influence et redoute même la disgrâce lorsqu'il s'oppose au cardinal de Tournon et au maréchal d'Annebault en se rangeant du côté du dauphin et d'Anne de Pisseleu pour souhaiter un rapprochement avec Henry VIII contre Charles Quint et peut-être même contre le pape, alors allié de l'empereur.
A son avènement, Henri II retient Jean Du Bellay dans son Conseil et l'envoie à Rome pour appuyer l'ambassadeur de France auprès du pape. Du Bellay n'a donc pas la qualité d'ambassadeur du roi auprès du Saint Siège mais il représente à Rome, et plus particulièrement au Consistoire, les intérêts français en matière de politique ecclésiastique, et, même s'il n'en porte pas le titre, comme « protecteur des affaires de France ».
Les efforts conjoints de l'ambassadeur et du cardinal sont censés renforcer le parti français à Rome où Du Bellay agit en sa double qualité de cardinal et de membre du Conseil du roi, se mêlant aussi bien d'affaires ecclésiastiques que laïques, jusques à celles qui relèvent de l'espionnage. La diversité de ses actions trouve son unité dans la défense des intérêts du roi. A cet égard rien ne semble trop difficile à Jean Du Bellay, qui projette même sérieusement de faire valoir les droits que Catherine de Médicis lui a donnés sur les marais Pontins pour les assécher et construire d'autre part un port capable d'abriter des galères royales.
Pour reprendre le mot de D. Ménager, Jean Du Bellay est un « ambassadeur magnifique ». Disposant de revenus importants mais toujours à court d'argent, il manifeste de l'opulence : en France, en se faisant construire par Philibert de L'Orme le château de Saint-Maur; à Rome en vivant dans des palais avant de se loger dans celui proche des thermes de Dioclétien avec des jardins où il installe une grande collection d'antiques. Sa magnificence se manifeste dans de somptueuses fêtes, la plus grande étant celle donnée à Rome à l'occasion de la naissance de Louis, fils de Henri II en février 1549, et que Rabelais décrit dans sa Sciomachie. Elle apparaît aussi à travers l'importance de sa maisonnée, qui en 1547 compte plus de cent personnes. Ainsi, lorsqu'il passe par Genève le 6 mai 1553, le registre du Conseil de Ville rapporte que « le Sr. Cardinal du Bellay, evesque de Paris et conseiller du Roy de France, arriva ici au soir, accompaigné de deulx evesques et aultres gens savans en nombre de envyron deux cents chevaulx, qui s'en vont à Rome. ».
"A la fin, je vois trop clairement que c'est une vraie farce qu'on joue par delà; et, pour vous parler selon mon naturel, je vous répéterai que vous vous estes laissé sinon tromper à tout le moins endormir sans considérer [...] à quels gens vous aviez à faire."
(Jean Du Bellay à Boucher, août 1551, s.l.)