Témoignages
Aurélien vient d’Orléans, en France, et termine un Master en sciences cognitives à l’UniNE. Tanja, d’origine serbe, vit à Soleure et étudie à la Haute école pédagogique de Berne, car elle souhaite enseigner le français.
Tanja suit donc le cours d’été de l’ILCF pour parfaire son français – elle aimerait d’ici la fin de ses études avoir le niveau C2, soit le plus haut niveau possible. Quant à Aurélien, il profite de ses échanges avec Tanja pour développer ses connaissances en serbe. «Des événements liés à ma vie m’ont fait partir en Serbie. J’y ai réalisé mon travail de master avec des enfants, et cela c’est super bien passé. Je suis tombé amoureux de la région, des gens, de la langue aussi. Du coup j’envisage de plus en plus d’aller faire de la recherche là-bas. Cela a été un choc culturel. Là-bas, tout est beaucoup plus simple, plus local, une dimension que je ne trouve pas en France ni en Suisse. Je m’y suis senti plus utile, je crois qu’il y a plus à faire là-bas qu’ici.»
Tanja et Aurélien se voient, mais communiquent aussi par écrit grâce aux réseaux sociaux. «On parle de tout, on s’échange des musiques. Comme je suis Français mais que je connais maintenant pas mal la Suisse, je parle aussi à Tanja des différences dans certaines expressions. Comme ‘Service!’ à la place de ‘Je t’en prie’ ou ‘ça joue’ là où un Français dirait ‘ça marche’!» «C’est bien qu’il m’explique ces choses, parce que sinon, je ne connaîtrais pas ces différences», constate Tanja. Qui peut également ajouter «kiffer» ou «meuf» à son vocabulaire, car Aurélien l’initie également à un vocabulaire plus contemporain!
Le français a toujours été la langue préférée de Tanja : «C’est comme une mélodie». Aurélien aime le serbe pour sa beauté, mais aussi parce que c’est une langue slave qui n’a rien à voir avec le français: «Du coup, chaque concept, chaque mot est une découverte». Et puis… «Personne n’apprend cette langue. Une raison de plus pour l’apprendre!»
Au niveau des difficultés, Tanja évoque le vocabulaire, le décalage entre les mots qu’elle connaît et le fait de réellement parvenir à les utiliser dans une conversation. Pour Aurélien, le plus dur, c’est la grammaire – les cas – et parfois la prononciation : «J’ai buté longtemps sur ‘hvala’ (merci), et, alors que je m’entraînais une nuit, il est venu tout seul! J’ai réussi mon h aspiré!»
Un mot appris ces jours? «Un truc m’a fait rire, j’ai voulu dire que c’était drôle et j’ai réalisé que je ne savais pas comment dire ‘drôle’! Maintenant je sais: ’Smešno’!» dit Aurélien. «Moi c’est l’expression ‘de rien’, constate Tanja. Car comme je dis beaucoup merci, je l’entends très souvent!»
Tandems interlinguistiques et estivaux… Avec un binôme pour le moins original : Mariel, de Sao Paulo, Brésil, apporte ses connaissances de français à Demi de Shanghai, Chine, qui elle, lui offre sa maîtrise de l’anglais, car elle étudie dans le Maryland, aux USA. Grâce à elles, Neuchâtel devient donc l’intersection entre le Brésil, la Chine et les USA!
Leurs objectifs? Mariel a besoin de l’anglais pour passer un ‘Examen complémentaire des hautes écoles suisses’ (ECUS) afin d’entrer à l’UniL, où elle va suivre des études de psychologie. Quant à Demi, elle apprend le français depuis deux ans dans un lycée américain et comme elle adore cette langue, elle a juste envie de la pratiquer, pour le plaisir.
Qu’est-ce que chacune aime particulièrement dans la langue proposée par l’autre? «Je veux apprendre l’anglais parce que c’est une langue universelle et j’aime bien cette dimension-là, qui est très utile», répond Mariel, qui a habité en Suisse de 2006 à 2009, puis est retournée au Brésil avant de revenir cette année pour ses études. Demi, elle, est très attachée à la littérature française, au courant existentialiste en particulier.
Principales difficultés linguistiques rencontrées? «La phonétique… c’est perturbant», dit Mariel! Et pour Demi, la grammaire française est beaucoup plus compliquée que la grammaire anglaise. Qu’en est-il de la grammaire chinoise? «Il n’y en a pas!» répond-elle en riant.
Un mot qu’elles ont appris ces jours et qui les a frappées? «Mare», répond Mariel. «La jument», traduit-elle. «Exécutif», répond quant à elle Demi. «On a parlé du système politique suisse et ce mot m’a étonnée». Eh oui, dans «exécutif», Demi entend d’abord le mot «exécuter»…
Tandem particulier, puisque ce sont deux personnes étroitement liées à l’UniNE qui le constituent: Sara Cotelli, responsable du Centre de langues et donc de l’organisation des tandems, et Alessandra, qui se lance dans un doctorat en linguistique à l’UniNE.
Sara est Neuchâteloise, avec une origine italienne du côté de son père. Alessandra vient d’un village du Sud de l’Italie, Buonabitacolo (littéralement «Bon à vivre ») et à étudié la linguistique des langues romanes à Rome.
Objectifs de ce tandem? Pour Alessandra, améliorer son français pendant le cours d’été de l’ILCF avant de s’attaquer à ses recherches à Neuchâtel. Pour Sara, «Améliorer mon italien… j’ai appris l’italien lors de mes vacances chez mes grands-parents, je le comprends très bien, mais je ne sais pas l’écrire et n’ai aucune notion de grammaire!»
Néanmoins, le tandem a tendance à parler surtout en français. En général, bavardage la moitié du temps, puis occupations – écriture, jeux – l’autre moitié !
Qu’est-ce que chacune aime particulièrement dans la langue proposée par l’autre? «La façon dont le français sonne, répond Alessandra. Je trouve même que le français est plus musical que l’italien.» Réponse symétrique de Sara : «Pour moi, c’est le contraire. J’aime beaucoup la façon dont l’italien sonne. Et c’est même une langue si chantante qu’il est triste de mal la parler! Il faut vraiment pouvoir bien la parler!»
Le plus difficile ? «Pour moi, le fait d’écrire, parce que la prononciation française est très différente de l’écriture. Et les accents me posent quelques problèmes!» dit Alessandra. Quant à Sara, pas d’hésitation : « La conjugaison ! J’ai un problème en particulier avec l’imparfait!»
Enfin, un mot qu’elles ont appris ces jours? «’Ostetrica’, la sage-femme», répond Sara. «’Nièce’», complète Alessandra.
Pendant le cours d’été de l’ILCF, les «tandems» battent leur plein. Les tandems, c’est-à-dire ces binômes interlinguistiques qui permettent à deux personnes de se rencontrer pour perfectionner chacun une langue grâce à l’échange avec l’autre. Et les possibilités sont multiples. Au cours des semaines qui viennent, nous allons vous en présenter quelques-uns…
Giada (à gauche) vient de Cividale del Friuli, au nord de l’Italie, pour suivre le cours d’été. Quant à Maude, elle vient de La Chaux-de-Fonds, habite en France et est étudiante à l’UniNE, en Fac de lettres et sciences humaines.
L’objectif de Giada est d’améliorer son français dans la perspective d’un examen en Italie, où elle étudie les relations internationales et diplomatiques. «Et dans la diplomatie, le français est une langue très importante», précise-t-elle. Objectif moins contraignant pour Maude, qui simplement aime beaucoup l’Italie et aimerait pouvoir y retourner en parlant vraiment avec les gens et en dépassant donc le stade de «Una pizza, per favore!»
Leur tandem semble se passer de manière pour le moins chaleureuse et joviale. «Au début, on a parlé davantage français, parce que Giada parle mieux le français que moi l’italien, puis l’italien s’est mis en place, j’ai essayé de rattraper le retard! Tout va bien, on ne se pose pas de questions, on discute de tout», précise Maude.
Ce qu’elles aiment chacune dans la langue de l’autre? «La sonorité italienne, le côté chantant et joyeux de l’italien», dit Maude. «J’aime aussi la sonorité du français, dit Giada, mais c’est très difficile: la prononciation, la grammaire, et les significations différentes d’un même mot. Ça, c’est terrible!».
Un mot qu’elles ont appris ces jours et qui les a frappées? «Pizzolino», répond Maude en riant. Autrement dit, la sieste. «Et moi je dirais parallèlement la ‘sieste’, dit Giada. Cela ne sonne pas comme un mot français!»